"L’Erreur
de Calcul"
De
Régis Debray
Edition du Cerf.
Tout
débuta, un 27 août 2014, par la déclaration d’amour de Manuel
Walls faite aux entrepreneurs. Invité à l’université d’été
du MEDEF, le premier Ministre avoua sa nette inclinaison pour l'entrepreneuriat d’un « J’aime l’entreprise »
éloquent. Une histoire d’amour assez prosélyte qui n’a pas
manqué d’interpeller l’écrivain et philosophe Régis Debray
signant, ici, un petit livre pamphlétaire. L’auteur met en exergue
le besoin historique de galvaniser les peuples et de les rassembler
autour de symboles. Le symbole est un objet réunissant nos valeurs
dans l’espace commun afin de militer pour une société meilleure.
Est-il bordé d’illusions ? Oui, nous dit Régis Debray
réaliste, mais demeure un passage obligatoire pour que le commun
augure d’un sentiment qui nous dépasse, nous enflamme, fait pour
créer une impression vive qui nous entraine à agir ensemble.
La
première illusion était religieuse, la seconde, politique,
s’approche de la dernière « l’économique ». Chacune
de ces illusions disparait au profit d’une autre jusqu’à celle
qui conduit à notre quotidien « l’économique » ;
là réside un hiatus pour l’auteur qui identifie une « erreur
de calcul ». Il n’est pas l’ennemi du commerce, ni du
rapport à l’économie quand elle ne devient pas un paradigme. Il
situe le virage économique comme une incarnation sociétale à la
chute du Mur de Berlin et à celle du régime soviétique. C’est,
du reste, peut-être omettre un peu rapidement que le virage libéral
fut pris, en France, par la gauche dès le début des années 80,
bien avant la chute du Mur. Mais il scelle les diverses gouvernances
européennes dans le parti quasi religieux de l’exaltation des
marchés et de la concurrence, de la compétition et des
délocalisations.
Règne de l’argent,
principe d’optimisation des dépenses et de maximalisation des
résultats graissent les rouages du conservatisme, broient à coup de
restructurations d’entreprises et favorisent le chauvinisme local
et l’europhobie.
Le positionnement de
l’acquis culturel et artistique dans une culture au rabais se
construit de clichés et de références néo-réactionnaires
surtout, quand les éléments de langages ne sont plus que quantités,
quotités, rentabilités, ratio et mutualisation de moyens.
Plus
loin, l’auteur conduit son lecteur vers les valeurs politiques de
notre société où les contraintes de la culture de masse fabriquent
les rituels de la communication. Finalement, c’est un lecteur
éconduit qui reçoit le coup de massue de la verticalité du système
obturant la pluralité des genres, des pensées, des expressions, des
avis, dans le conformisme facile qui aurait peur des risques de
déviance.
La
peur de l’autre, de ses origines, de ses idées horizontales, de
son désir d’aménité et d’altérité, harponne la réalité
redoutée par Régis Debray. Des opérations qui ratiocinent
l’existence où, seule, la multiplication n’est pas convenue mais
prime la division dans le concert de soixante millions de branchés
sur internet.
L’amour de
l’entreprise dénude l’harmonie de l’universel qui, renversé
sur le lit, abuse du réalisme économique et achève en statistique,
en probabilité, pour bonifier l’organisation de notre vie tendant
à obtenir un meilleur rendement avec un minimum de dépenses ;
et ce, en flattant notre amour de l’engagement.
Cette désillusion est
un grand retournement - d’où l’erreur de calcul - qui assèche
le goût d’organiser la cité et le substitue au marketing
électoral, au communautarisme et au jeunisme libéral.
Pour l’auteur, la
politique consiste à lier la connaissance à la responsabilité, la
maîtrise des idées à celles des réalités, le tout dans le prisme
du partage et de la solidarité.
Yves
Toussaint
Un
livre à lire « L’erreur de calcul » de Régis Debray
recommandé par l’Echolatain
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