Le loup Sylvestre.
Pour mes nouveaux lecteurs !
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Il
y a au pays de St Nicolas, au-delà de la chapelle du Passieu, sur le
chemin qui conduit aux Rochats, un lieu appelé, le Creux au loup.
C'était un premier matin d'une nouvelle année, autrefois, du temps de
mon arrière-grand-père. Ce matin là donc, Daude, le violoneux, l'un des
nombreux violoneux de ce temps, rentrait de la veillée. On l'avait
invité près du village, on le savait seul, la-haut dans son chalet et
aussi il mettait de la gaité autour de lui. L'aube se levait déjà quand
il pénétra dans la forêt où serpentait la sente qui menait chez lui.
Malgré la longue nuit blanche il allait d'un bon pas et s'élevait
régulièrement vers le hameau. La neige n'était pas tombée durant les
derniers jours et celle restée après le passage du triangle, la semaine
de Noël, crissait sous ses souliers ferrés de Tricounis.
Et soudain, au détour du sentier, là où au printemps coule un ruisseau
né de la fonte des neiges, un loup famélique lui barra le passage. Daude
le menaça de sa canne, la bête ne recula pas, bien au contraire et
s'approcha, menaçante. Le sac tyrolien de Daude était garni, de
cochonnailles, de pain frais et de rissoles, donnés par ses hôtes d'un
soir. Il le fit glisser à ses pieds et prudemment jeta vers le loup un
morceau de pain qui sitôt qu'il l'eut avalé revint à la charge. Ainsi,
tout disparut et la faim du fauve n'étant pas calmée, le violoneux pensa
sa dernière heure venue. Le sac, vide et plat, gisait sur le sol. A ses
côtés, le violon dans son étui, Daude, avec mille précautions, s'empara
de l'instrument et de son archet. Dès les premiers accords le loup
s'assit, le violoneux enchaina, rengaines, complaintes et airs à danser,
la bête vint lui lécher les pieds et s'allongea dans la neige. Daude
rangea violon et archet dans leur étui, mit son sac à l'épaule et
s'engagea sur le chemin, le loup le suivit, tel un chien, jusqu'au
chalet, entra à sa suite et se coucha vers le poêle où rougissaient
encore quelques braises. Daude l'appela, Sylvestre, et lui confia la
garde de sa maison quand il allait faire danser, noces, bals et veillées
de nouvelle année. Edmond Burnet-Fauchez