vendredi 20 décembre 2013

Partage. Un poème de Jules Roy.

Mes plus chers amis sont des morts.

Je les retrouve dans la rue
en ceux qui leur ressemblent
et dans ces maisons froides où j'entre en frissonnant.
Leur souvenir m'est un chemin doré sous les halliers d'automne,
une présence à ma solitude.

O mes vieux compagnons des beaux jours d'autrefois,
ô copains avec qui je souriais aux femmes,
ô camarades d'équipage disparus les premiers
quand il restait tant de ciels à contempler
et tant de route à faire ensemble!

J'aurais aimé partir avant vous et vous laisser légers de moi
tandis que me voici lourd de votre pensée
qui n'a pas séché dans mes yeux avec les larmes.
Je vous demeure fidèle comme à celle que j'aimai,
ma première lune d'amour,
dans le jardin de roses de mon unique mois de mai.
Nous parlions le langage secret
des chevaliers d'une autre Quête.
Nous n'étions point jaloux les uns des autres
du même amour qui nous brûlait
et dont l'Accomplissement suprême était la Mort.

Survivant de votre aventure
je vous donne, à la terrasse des bistrots,
des rendez-vous où vous ne venez plus.
Préparez-moi une bonne place où vous êtes:
au chaud l'hiver, au frais l'été.

Il n'est de véritable ami qu'un mort.
 
Jules Roy.
 
Je n'ai pas souhaité attendre le prochain 8 mai pour partager ce beau poème de Jules Roy, glané chez Pierre Bouillon.

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