Lorsqu’il s’installe à Paris en 1905 pour occuper le poste de secrétaire
particulier d’Auguste Rodin, Rainer Maria Rilke est encore bien loin
d’imaginer combien cette ville, ce pays, sa culture et sa langue
imprégneront son œuvre. Lecteur de Baudelaire, Balzac, Verlaine, et
traducteur, entre autres, de Mallarmé et Louise Labbé, Rilke ne manquera
pas d’écrire (entre 1922 et 1926) plus de quatre cents poèmes en
français, parmi lesquels cet ensemble intitulé Fenêtres, qui ne paraîtra
qu’au lendemain de sa mort. Et quel choix plus profond que cet objet à
première vue banal, mais qui s’avère ouverture et passage entre dehors
et dedans (et inversement), invitation à la lumière et à la nuit, lieu
d’attente et d’espoir, seuil du songe, de la méditation, de la
contemplation. Un espace idéal qui ne pouvait pas ne pas être l’une des
sources de l’écriture de Rainer Maria Rilke.
Tu me proposes, fenêtre étrange, d'attendre ;
déjà presque bouge ton rideau beige.
Devrais-je, ô fenêtre, à ton invite me rendre ?
Ou me défendre, fenêtre ? Qui attendrais-je ?
Ne suis-je intact, avec cette vie qui écoute,
avec ce coeur tout plein que la perte complète ?
Avec cette route qui passe devant, et le doute
que tu puisses donner ce trop dont le rêve m'arrête ?
N'es-tu pas notre géométrie,
fenêtre, très simple forme
qui sans effort circonscris
notre vie énorme ?
Celle qu'on aime n'est jamais plus belle
que lorsqu'on la voit apparaître
encadrée de toi ; c'est, ô fenêtre,
que tu la rends presque éternelle.
...
(II & III, extrait, pp. 6-7)

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire