« Le
Souper »
Pièce
de Jean-Claude Brisville
Édition BABEL
Yvan Lambert,Talleyrand et Pierre Hentz, Fouché,
dans l’interprétation de la Compagnie de l'Aurore.
Cliché, CAP Compagnies.
Le 18 juin 1815, Louis XVIII, exilé
à Gand en Belgique, tente de restaurer la souveraineté de la monarchie des
Bourbon. Le 8 juillet un gouvernement est constitué, dominé par Talleyrand qui, très
contesté par les « Ultra-Royalistes » d’un bord et les
« Jacobins » de l’autre, cherche l’appui du puissant et féroce Fouché,
ministre de la Police sous le Premier Empire et Président de l’actuel
gouvernement provisoire. Dans la soirée du 6 juillet, presque sous le regard
insurrectionnel des Parisiens soumis à la férule des vainqueurs de Waterloo,
Talleyrand invite son meilleur ennemi, Fouché, à souper. Ils ont deux heures
pour donner un régime à la France.
L’auteur de la pièce décrit une
ambiance pesante et équivoque.Jean-Claude Brisville installe une conversation
éloquente et subtile nourrie chaque minute de raisons et de contradictions
entre les deux protagonistes. Talleyrand et Fouché, indispensables au retour de
la stabilité nationale, sont en proie à une forte concurrence entre deux régimes
possibles pour la France. Talleyrand prône le retour de la Monarchie et de
Louis XVIII, Fouché envisage une république. Un souper de qualité oblige le
premier à faire preuve de mansuétude à l’égard de son invité. L’invitation
validée oblige le second à prêter une oreille attentive aux arguments de son
hôte. Les intentions sont bonnes mais la suspicion reste ostensible. Une
dispute d’arguments s’engage, met en scène la lutte pour le pouvoir. Ils se
détestent et se condamnent mutuellement autant de crimes, manœuvres, délations,
positions machiavéliques qui ont fait les évènements historiques de leur temps.
L’écriture de la pièce est une
faconde, courte et efficace où chacun musarde sur l’autre. Dans le vif, chacun
tombe d’accord : pour ne pas disparaitre du pouvoir, ils doivent
s’entendre. Pour Fouché, rien ne vaut une République, un Directoire, un peuple
et une bonne police pour le contrôler, voir le formater.
Talleyrand en rit ; avec la
République, la Terreur reviendra ainsi que son cortège de vengeances sur les
immigrés royalistes de retour et les « ultras » qui n’attendent
qu’une étincelle pour régler leur compte avec les « Jacobins ».
Non ! Seul Louis XVIII peut conduire un régime de restauration d’une
monarchie modernisée par les valeurs de la Révolution. La négociation politique
tourne aux faits d’armes. Talleyrand et Fouché se jettent au visage les
différents crimes et délits les plus odieux proférés au cours de l’Empire, tout
en garantissant à l’autre son soutien et sa discrétion sauf s’il ne le suit pas
dans sa conception du prochain régime.
Ils proposent d’être, chacun dans
son ministère, celui qui tour à tour tire les ficelles de la destinée de la
France. Les intrigues échauffent les intrigants sans transiger sur la forme du régime avec ou sans Louis XVIII.
La monarchie ou la république ne
sont plus alors au cœur de l’enjeu. Seuls deux hommes d’État, au CV exceptionnel
dans l’art de la domination, qui souhaitent finir leur vie dans l’ombre de leur
souverain et cultiver la pratique du réseau et du négoce dans l’exercice du
pouvoir absolu. Talleyrand est le plus fin, Fouché aura son ministère, la
police et la société qu’il souhaite. Finalement, « l’évêque apostat »
Talleyrand dominera le « féal régicide » Fouché fort de sa puissance
possédera « Le Diable Boiteux ». Ils feront allégeances ensembles à
la Restauration et au roi Louis XVIII.
Une pièce de théâtre à lire «Le
Souper» de Jean-Claude Brisville, recommandé par l’Echolatain.
Yves Toussaint
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