« CHARLOTTE »
David
FOENKINOS
Editions
« Gallimard »
Prix
Renaudot 2014, “Charlotte” retrace la vie perturbée de la
peintre expressionniste allemande Charlotte Salomon entre 1933,
avènement d’Adolf Hitler au pouvoir et 1943, cœur de la
déportation des Juifs d’Europe. Charlotte est prise par une
mélancolie héréditaire, quasi généalogique, qui ajoutera à la
tragédie de la shoah, un malheur familial : une succession de
suicides jusqu’à sa tante Charlotte puis sa mère Franziska;
tous, dépressifs, participent à la fragilité de l’ambiance
familiale, malvenue au moment où le statut des juifs allemands se
transforme, la discrimination se faisant plus pressante. La famille
est juive, de ces juifs d’Europe dont être juif ne constitue ni un
statut, ni une particularité, ni une pratique religieuse. Atteinte
par la discrimination puis la déportation, Charlotte n’admet pas
qu’être juive soit un crime. Passionnée d’Art, subjuguée par
le dessin, elle excelle dans le style expressionniste jugé déviant
par les Nazis. Exilée en Zone libre dans le sud de la France,
Charlotte entreprend des portraits autobiographiques d’une grande
valeur. Elle les confie à son médecin qui les sauvera de la
« Shoah ». Mais l’État Français recense les juifs en
Provence, les allemands envahissent l’Italie à la chute de
Mussolini en 1943 ; la Zone libre disparait. Lorsque la Milice
l’arrête, sa vie bascule, Auschwitz est sa destination. Elle n’en
reviendra pas.
Cette
histoire forte, tout à fait crédible, s’embourbe pourtant dans
la difficulté du style. Les phrases débitent, courtes, effrénées,
pas plus de douze ou treize syllabes. Sujets, verbes, compléments,
s’enchainent, suffoquent dans le pragmatisme des situations. Ni
prose, ni ver, ne structurent le récit et pour accentuer le poids de
l’histoire, l’auteur revient à chaque ligne. La verticalité de
la page encourage la télégraphie du style. On n’est pas très
loin du mail, voir du SMS. Malgré tout, certaines phrases essaient
de filer avec la puissance de l’histoire à l’arrière-train mais
s’écrase dans le cliché. Pourquoi l’auteur s’est-il entêté
à écrire de cette manière ? Par coquetterie ? Inutile,
la coquetterie ajoute du pathos. Ni rythme, ni poésie ; ici le
rythme se bat avec la vitesse et la poésie est inexistante ;
dommage. A quoi riment ces phrases ? L’auteur a une obsession,
découvrir l’histoire de Charlotte Salomon, mais il essouffle ;
ne dit rien de la peinture de Charlotte, ni de l’influence sur son
dessin de son époque ségrégationniste et criminelle; à
peine distingue-t-on les conséquences de sa mélancolie maladive et
la succession de suicides familiaux sur son art ; Dommage.
Quantités d’influences intellectuelles de son temps tel que
Nietzsche, font références à sa construction personnelle sensible
et universelle ; Pourtant, on a l’impression que Charlotte est
antinazie parce qu’elle est uniquement juive. On ne sent pas son
humanisme d’artiste dont la presse parle aujourd’hui. On voit la
peur et la persécution subie alors qu’elle pourrait être une
résistante. On me rétorquera qu’elle n’en a pas eu le temps
puisqu’Auschwitz reste sa dernière demeure. Quand même ! Son
humanisme net dans sa culture personnelle et dans ses choix
artistiques, aurait pu nourrir une vocation d’opposante au
totalitarisme, malgré la fin rédhibitoire. Ce choix n’est pas
évoqué mais détourné par l’auteur car sprinter dans son
obsession de retrouver Charlotte… qu’il ne retrouvera pas bien
sûr mais du coup, perd aussi son lecteur. Un livre qui se veut
personnel, un style qui tente la subtilité pour alléger les
drames mais le contraire se produit ; dommage.
Yves Toussaint.
Un
livre à lire « Charlotte » de David Foenkinos recommandé
par l’Echolatain.
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