« La
VIE ET LA MORT »
extrait du
livre « Le régime des passions »
De
Clément Rosset.
La
réalité se dépasse-t-elle tant elle s’aveugle à coup de clichés
et de « ce qui est bien connu » ? Le philosophe
Hegel écrit « ce qui est bien connu, précisément parce qu’il
est bien connu est mal connu. C’est la manière la plus courante de
se faire illusion et de faire illusion aux autres que de présupposer
que quelque chose est bien connu et de s’en contenter ».
Finalement, s’attacher à ce qui est bien connu donnerait une
importance un peu trop aisée à la réalité d’un fait, d’une
vision et d’en négliger ses dessous. C’est le cas pour
L’interprétation des mythes.
Clément
Rosset reprend le mythe du pacte avec le diable dans « la vie
et la mort », pour lequel celui-ci promet jouissance, opulence
et puissance à l’homme, s’il lui concède son statut d’homme
laissé en héritage par Dieu aux vivants bienfaisants qui font vœux
d’éternel repos au Paradis, quand ils se sont biens conduits.
Là
où échoue la morale – pense-t-il- le psychanalyste ne peut
ramener l’homme dans le droit chemin qu’à travers la gestion
difficile de sacrifices et de frustrations qui lui interdisent les
festins du plaisir. Il vaut mieux s’abandonner au diable que de
compter sur un Psychanalyste, au moins le diable nous vend un festin,
même si la facture est difficile à digérer. On sent l’auteur du
chapitre prodigué au condamné, de profiter grandement de la chance
de retrouver la prospérité, tout en décrivant le sens du châtiment
qui sera à la hauteur de la jouissance espérée par les vœux.
Les
damnés se préparent à une lente descente aux enfers, sans
rédemption. Les signataires sont bien les seuls à assumer la
maléfique ratification où la surenchère infernale des plaisirs
précipite vers une fin rapide et lapidaire. Pourtant, l’auteur met
dos à dos bien contre mal, bon contre mauvais, pour les concentrer
sur « un caractère universel » : le mythe renforce
l’idée de responsabilité face au contrat signé et celle du
signataire à assumer les conséquences de son choix de vivre ou de
ne pas vivre : « vivre en acceptant notre prochaine
déchéance, ou de refuser ce sort funeste par la prévention que
permet le suicide » ;
en définitive, ou je
signe le pacte, je jouis, je profite en toute quiétude voir même en
toute impunité, mais le sort me guette, la souffrance également
sans rémission ; ou je ne signe pas, alors la seule issue pour
ne pas tomber dans la décrépitude est l’acte désespéré du
suicide.
Cela
explique en partie, le refus du vieillissement ou la déchéance du
corps sans pour autant prétendre qu’il s’agit d’un acte
reniant la responsabilité qui incombe à la vie. Nous sommes tous
attendu au tournant en signant un pacte de vie. Notre refus d’en
découdre avec la fin tient d’une prise de conscience, que nous ne
pourrons plus jamais profiter des festins de la vie quand viendra
l’heure de la mort.
Dieu et le Diable
n’interfèrent en rien, en tant que mythe moral ; ce qui nous
gène en réalité, c’est la concession faite de nos plaisirs qui
provoque une fin plus ou moins rapide.
Clément
Rosset le confirme en signalant que l’enjeu du mythe « n’est
pas la puissance contre l’abandon du diable, mais plutôt ce que
j’appellerais plus prosaïquement une prime de vie contre une
assurance de mort ». Il existe deux contractants « Le
premier s’engage à vivre tout en acceptant de mourir. Le second
s’engage à laisser vivre, mais seulement pendant le temps qu’il
lui plaira ». D’un
côté je signe et j’essaie de vivre en m’adaptant aux
vicissitudes de la vie mais je ne récuse pas, un jour, la fin que
j’espère la plus lointaine possible. De l’autre, je profite sans
compter, sans scrupule mais le sort peut avoir raison de moi au gré
du hasard du calendrier. Je l’accepte comme tel. On le voit, le
diable, la liturgie chrétienne ou de quelconques faits appartenant
au pragmatisme n’ont rien à voir avec des choix de vie définis
volontairement. Les
mythes et les clichés s’écroulent.Yves Toussaint.
Un
livre à lire «la vie et la mort » du « Régime des
Passions » de Clément Rosset, éditions de Minuit.
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