Saint-Nicolas-la-Chapelle/Anciens combattants.
Dimanche 12 avril ( 1931 ), la petite commune de Saint-Nicolas-la-Chapelle, d'ordinaire si calme, était en fête.
A l'occasion de la perception du premier coupon de sa retraite du combattant, M Pettex Jean, ( 1874-1964 ) conseiller d'arrondissement et maire de la commune, a offert à la section d'anciens combattants, dont il est le président, un superbe drapeau.
A 18 heures, les anciens combattants se rassemblent devant la mairie; les sapeurs-pompiers forment la haie. M Pettex remet le drapeau au camarade Scoquet Etienne, ( Socquet-Juglard, père de Claudius et Lambert ) médaillé militaire et grand mutilé.
Au nom des ses camarades, M Joly René, vice-président de la section, remercie en termes émus M Pettex. Précédés par un pupille de la nation porteur d'une magnifique gerbe de fleurs, on se rend au monument aux morts. M Dumax-Vorzet François ( les Combes ) prononce les paroles suivantes:
Mesdames, Messieurs, Camarades,
En ce jour où, pour la première fois, les anciens combattants de la commune, enfin groupés en une association, sont réunis, il est de notre devoir de venir nous recueillir devant le monument élévé à la mémoire de nos camarades tombés au champ d'honneur. Ils sont hélas! nombreux, trop nombreux !
M René Joly fit l'appel des morts, puis M Dumax-Vorzet reprit:
Après cet instant de recueillement, permettez-moi d'insister sur nos devoirs d'anciens combattants.
Se grouper. Au lendemain de la guerre, on nous a fait de belles promesses. Ils ont des droits sur nous, disait Clémenceau en parlant des combattants.
Mais les gouvernements successifs, en proie aux difficultés financières, occupés à la reconstruction des régions dévastées, nous délaissèrent.
De leur côté, les rescapés, heureux de rentrer enfin dans leurs foyers,se remirent au travail, oubliant misères et souffrances.
Mais beaucoup ne tardèrent pas à s'apercevoir que leur santé avait été altérée. Quelques groupements se formèrent, présentant des revendications, mais ils obtinrent que des promesses.
C'est alors que les combattants comprirent; que seule, l'union parviendrait à faire quelque chose.
Des fédérations se constituèrent. L'an dernier, une section a été crée ici, grâce à l'initiative et au dévouement de quelques uns.
Les résultats, vous lesconnaissez : le plus important est le vote de la retraite du combattant que quelques uns perçoivent déjà.
N'oublions pas que seule l'union nous a permis d'aboutir, n'oublions pas que la retraite du combattant n'est qu'une allocation provisoire et qu'il faut qu'elle devienne définitive, n'oublions pas que nous avons d'autres revendications importantes à obtenir.
Se grouper au sein des fédérations agissantes est pour nous un impérieux devoir.
Se souvenir. - Se souvnir que la guerre est la plus horrible des choses: mort que ce monument évoque; ruines, souffrances, blessures ... Nous devons de toutes nos forces la faire haïr, la faire éviter. Avec les progrès de la science, une prochaine guerre serait terrible. Il ne faut pas que nous voyions cela. il faut pas que nos enfants le voient.
Camarades, dont les noms sont gravés sur ce monument, nous vous quittons mais notre pensée reste vers vous.
Puis, après l'apéritif, le cortège se dirige verss l'hôtel Marterey, où eut lieu un banquet réunissant les anciens combattants et les pompiers. La plus franche camaraderie ne cessa de régner pendant tout le repas.
Au dessert, M Pettex pronça un discours fort applaudi:
Mesdames, Messieurs.
En ma qualité de président des anciens combattants, je me fais un plaisir de remercier les camarades qui ont bien voulu répondre, donner leur adhésion à nos agapes familiales.
Depuis quelques temps, on entend parler d'associations d'anciens combattants, on voit dans les journaux que, dans telle ou telle commune, un banquet a été fixé pour tel jour, très souvent pour le 11 novembre.
Notre commune, sous ce rapport, était bien un peu en retard, cependant elle s'est réveillée; sous l'impulsion des quelques animateurs dont, pour ne citer qu'un nom, notre sympathique vice-président, qui me sollicita pour adresser une invitation aux poilus de la grande guerre et former une association d'anciens combattants.
A ma grande satisfaction, mon appel fut entendu et notre association fut formée à la première réunion.
Contre mon gré, vous avez voulu que j'en prenne la direction et vous m'avez renouvelé votre confiance, ainsi qu'aux membres du bureau, lors de notre assemblée générale. Je vous en remercie, tout en vous assurant que j'aurais été plus heureux si vous aviez choisi l'un d'entre vous à ma place. Fort heureusement, je puis me reposer sur notre dévoué secrétaire-trésorier qui a la grosse part de la besogne et qui ne ménage ni son temps ni sa peine.
Je vous remercie tous, camarades qui avez pris part à ce banquet, mais je remercie surtout les dames qui l'ont honoré de leur agréable présence. On a beaucoup parlé des poilus, des combattants, durant et après la guerre, mais vous, Mesdames, on n'a jamais dit que vous étiez des " combattantes " . Cependant, vous aussi vous avez combattu pendant l'absence de l'être qui vous est cher et que vous aperceviez sous la mitraille dans vos pensées continuelles, dans le cauchemar de ces nuits sans sommeil, après le dur labeur de la journée. Si l'on ne vous a octroyé aucun titre jusqu'à présent, vous n'êtes pas moins des combattantes de l'arrière, et cela par le travail que vous avez fourni, par les lettres de réconfort et les colis de gâteries que vous adressiez au cher absent.
Souvenez-vous, chers amis, avec quel plaisir vous accueillez, dans la tranchée, le saucisson fumé de Saint-Nicolas ou le persillat du pays, accompagné d'un paquet de picaduros. Avec quelle émotion, vous pensiez à l'auteur de l'envoi, à celle qui, loin de vous, vous aidait à lutter.
Aussi, Mesdames, je vous remercie encore une fois d'avoir pris part à notre premier banquet qui, j'espère ne sera pas le dernier; je regrette seulement que vous ne soyez pas plus nombreuses. Oh ! Je sais bien, il y a en a qui prennent ombrage parce que c'est un festin d'hommes, de guerriers pour ainsi dire, mais non. Mesdames, c'est un repas de camarades qui ont vécu les horreurs des tranchées et qui sont heureux de se retrouver dans leur pays natal, avec un souvenir déjà un peu lointain de ces heures tragiques que l'on voudrait oublier, mais qui reviennent toujours présentes à à la mémoire.
Je souhaite que l'année prochaine les anciennes combattantes soient plus nombreuses à notre banquet et si besoin est je proposerai de créer une association. Ce serait peut-être une innovation ...
Je remercie M Dumax, ( certainement Maurice Dumax-Vorzet ) notre sympathique lieutenant des pompiers, d'avoir bien voulu faire coïncider son banquet avec celui de notre association, ca qui rehausse notre petite fête.
Je ne veux pas oublier d'adresser mes plus vifs remerciemnets à M Rossat-Mignod, ( instituteur et secrétaire de mairie ) pour l'amabilité et le désintéressement avec lesquels il a établi nos demandes de cartes et d'allocation.
En terminant, je présente mes hommages à Mme et M Burnet, ( Geneviève et Joseph Burnet-Merlin ) qui nous ont résevé un si charmant accueil, et à M Riou mes compliments pour les mets succulents que nous venons d'apprécier.
Je lève mon verre à la France, à la République, à la santé de tous les camarades et de leurs épouses, à la bonne entente de nos sociétés, et je vous dis à tous: à l'année prochaine.
Un bal très animé termina cette fête dont chacun gardera le meilleur souvenir.
Le Petit-Dauphinois du 22 avril 1931.
J'ai ajouté entre parenthèses quelques prénoms et noms pour mieux situer ces personnes.
1 commentaire:
Si mes sources sont bonnes , le montant de ces pensions d'Anciens Combattants était vraiment "ridicule" , et il est heureux que l'ambiance des banquets , leur chaleur , et leur solidarité , ont apporté plus que de l'argent à nos Chers Anciens Combattants. De bonnes initiatives comme celles-là devraient pouvoir être encore imitées " de nos jours" ?
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