Bonjour,
Comme moi sans doute, vous avez appris cette excellente nouvelle,
preuve de l’ouverture du gouvernement actuel. En effet, dans le respect
de la laïcité, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur se sont
rendus à la Mosquée de Paris, pour une célébration de la fête de l’Aïd.
Ainsi que vous le savez, l’Aïd est l’une des grandes fêtes de la
religion musulmane. Elle est célébrée le dixième jour du dernier
mois du calendrier islamique, en souvenir du sacrifice d’Abraham, et
elle coïncide avec le pèlerinage à La Mecque.
Le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur ont donc participé à
une célébration de la fête de l’Aïd à la Mosquée de Paris en présence
de mon ami Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée et président du
Conseil français du culte musulman. Le maire de Paris était également
présent.
Je ne peux que me réjouir de cette visite à nos frères musulmans
ainsi que des propos tenus par le Premier ministre à cette occasion. Car
ce qu’il a dit en s’adressant aux musulmans, il le dirait sans doute,
en tout cas je l’espère, de la même manière en s’adressant aux
chrétiens, je le cite :
« À travers vous, je salue une grande religion de France. Je mesure
la place qui est la sienne dans notre pays et dans notre histoire.
[…] J’entends la parole que vous portez pour rassembler les femmes et
les hommes autour d’un message de paix et de concorde, dans le cadre de
la République, et en accord avec ses principes et ses valeurs. […] Je
vous le redis avec force: toute atteinte au libre exercice du culte est
intolérable, et toutes les croyances religieuses doivent pouvoir
s’exprimer dans notre pays dans le respect des lois de la République,
de la laïcité et des convictions de chacun. » (Fin de citation)
Et Monsieur le Ministre d’assurer les musulmans de la
« détermination » du gouvernement à combattre les « discriminations » et
à défendre « la liberté de conscience et le libre exercice des cultes,
qui comptent parmi les fondements de notre Nation. »
Alors, Monsieur le ministre, dans la logique de votre démarche, je
suppose que vous avez prévu d’exprimer avec autant de force et de
conviction la détermination de votre gouvernement à combattre la
discrimination dont les chrétiens font l’objet. Et c’est pour cela que
j’ai l’outrecuidance de vous inviter chez vous, dans la cathédrale de
Gap – les cathédrales étant propriété de l’Etat –, pour le Mercredi des
Cendres, début de Carême, ou pour le dimanche de Pâques, à votre
convenance. Nous vous accueillerons avec tout le respect qui est dû à
votre haute fonction.
À bientôt…
Pour l'horaire de la messe de Toussaint célébrée à St Nicolas la Chapelle, je pense qu'il faut retenir: 9 h 30.




« Qui s'approche d'elle avec
méfiance ne croit voir que des portes closes, des barrières et des guichets, une espèce de gendarmerie spirituelle. Mais notre Eglise est l’Église des
saints. Pour être un saint, quel évêque ne donnerait
son anneau, sa mitre, sa crosse, quel cardinal sa pourpre, quel pontife
sa robe blanche, ses camériers, ses suisses et tout
son temporel ? Qui ne voudrait avoir la force de courir cette
admirable aventure ?Car la sainteté est une aventure, c'est même la seule aventure. Qui l'a une fois compris est entré au cour de la foi catholique, a senti
tressaillir dans sa chair mortelle une autre terreur que celle de la mort, une espérance surhumaine. Notre Eglise est l’Église des saints. Mais qui se met en peine
des saints ? On voudrait qu'ils fussent des vieillards pleins
d'expérience et de politique, et la plupart sont des enfants. Or
l'enfance est seule contre tous. Les malins haussent les épaules,
sourient : quel saint eut beaucoup à se louer des gens d’Église ? Hé !
Que font ici les gens d'Eglise ! Pourquoi veut-on qu'ait
accès aux plus héroïques des hommes tel ou tel qui s'assure que le
royaume du ciel s'emporte comme un siège à l'Académie, en ménageant tout
le monde ? Dieu n'a pas fait l’Église pour la
prospérité des saints, mais pour qu'elle transmît leur mémoire, pour
que ne fût pas perdu, avec le divin miracle, un torrent d'honneur et de
poésie. Qu'une autre Eglise montre ses saints !
La nôtre est l’Église des saints. A qui
donneriez-vous à garder ce troupeau d'anges ? La seule histoire, avec sa
méthode sommaire, son réalisme étroit et dur, les eût brisés.
Notre tradition catholique les emporte, sans les blesser, dans son
rythme universel, saint Benoît avec son corbeau, saint François avec sa mandore et ses vers provençaux, Jeanne avec son épée, Vincent avec sa pauvre soutane, et
la dernière venue, si étrange, si secrète, suppliciée par les entrepreneurs et les simoniaques,avec son incompréhensible sourire, sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, souhaiterait-on qu'ils eussent tous été, de leur vivant, mis en châsse ?
assaillis d'épithètes ampoulées, salués à genoux, encensés ? De telles gentillesses sont bonnes pour les chanoines. Ils vécurent, ils souffrirent comme nous. Ils
furent tentés comme nous. Ils eurent leur pleine charge et plus d'un, sans la lâcher, se coucha dessous pour mourir.
Quiconque n'ose encore retenir de leur exemple la part sacrée, la part
divine, y trouvera du moins la leçon de l'héroïsme et de l'honneur.
Mais qui ne rougirait de s'arrêter si tôt, de les laisser poursuivre
seuls leur route immense ? Qui voudrait perdre sa vie à
ruminer le problème du mal plutôt que de se jeter en avant ? Qui refusera de libérer la terre ? Notre Église est l’Église des saints.
Tout ce grand appareil de sagesse, de force, de souple discipline, de
magnificence et de majesté n'est rien de lui-même, si la charité ne
l'anime. Mais la médiocrité n'y cherche qu'une assurance solide contre
les risques du divin. Qu'importe ! Le moindre petit
garçon de nos catéchismes sait que la bénédiction de tous les homme
d'Eglise ensemble n'apportera jamais la paix qu'aux âmes déjà prêtes à
la recevoir, aux âmes de bonne volonté. Aucun rite ne
dispense d'aimer. Notre Église est l’Église des saints. Nulle part ailleurs on ne voudrait imaginer seulement telle aventure, et si humaine, d'une petite héroïne qui passe un
jour tranquillement du bûcher de l'inquisiteur en Paradis, au nez de cent cinquante théologiens. « Si
nous sommes arrivés à ce point, écrivaient au pape les juges de Jeanne,
que les
devineresses vaticinant faussement au nom de Dieu, comme certaine
femelle prise dans les limites du diocèse de Beauvais, soient mieux
accueillies par la légèreté populaire que les pasteurs et les
docteurs, c'en est fait, la religion va périr, la foi s'écroule, l’Église est foulée aux pieds, l'iniquité de Satan dominera le monde
!...» et voilà qu'un peu moins de cinq cents ans plus
tard l'effigie de la devineresse est exposée à Saint-Pierre de Rome,
il est vrai peinte en guerrière, sans tabard ni robe fendue !, et à
cent pieds au-dessous d'elle, Jeanne aura pu voir un
minuscule homme blanc, prosterné, qui était le pape lui-même.
Notre Église est l’Église des saints.
Du Pontife au gentil clergeon qui boit le vin des burettes, chacun sait
qu'on ne trouve
au calendrier qu'un très petit nombre d'abbés oratoires et de
prélats diplomates. Seul peut en douter tel ou tel bonhomme bien
pensant, à gros ventre et à chaîne d'or, qui trouve que les saints
courent trop vite, et souhaiterait d'entrer au paradis à petits pas,
comme au banc d'ouvre, avec le curé son compère. Notre Église est l’Église des saints.
Nous respectons les
services d'intendance, la prévôté, les majors et les cartographes,
mais notre cour est avec les gens de l'avant, notre cour est avec ceux
qui se font tuer. Nul d'entre nous portant sa charge,
(patrie, métier, famille), avec nos pauvres visages creusés par
l'angoisse, nos mains dures, l'énorme ennui de la vie quotidienne, du
pain de chaque jour à défendre, et l'honneur de nos maisons,
nul d'entre nous n'aura jamais assez de théologie pour devenir
seulement chanoine. Mais nous en savons assez pour devenir des saints.
Que d'autres administrent en paix le royaume de Dieu ! Nous
avons déjà trop à faire d'arracher chaque heure du jour, une par
une, à grand-peine, chaque heure de l'interminable jour, jusqu'à l'heure
attendue, l'heure unique où Dieu daignera souffler sur sa
créature exténuée, Ô Mort si fraîche, ô seul matin ! Que d'autres
prennent soin du spirituel, argumentent, légifèrent : nous tenons le
temporel à pleines mains, nous tenons à pleines mains le
royaume temporel de Dieu. Nous tenons l'héritage des saints. Car
depuis que furent bénis avec nous la vigne et le blé, la pierre de nos
seuils, le toit où nichent les colombes, nos pauvres lits
pleins de songe et d'oubli, la route où grincent les chars, nos
garçons au rire dur et nos filles qui pleurent au bord de la fontaine,
depuis que Dieu lui-même nous visita, est-il rien en ce
monde que nos saints n'aient dû reprendre, est-il rien qu'ils ne
puissent donner ? ».
Georges Bernanos - ‘’Jeanne relapse et sainte‘