MATIN
BRUN
Franck
PAVLOFF
Editions
Cheyne
L'auteur au cours d'une intervention.
« Matin
Brun » est bien plus qu’une nouvelle sur le totalitarisme. Il
est un apologue dans la grande tradition des fables dont le style
conté, propage avec candeur et fatalisme l’idée qu’un régime
fasciste se construit, s’infuse avec les armes du chauvinisme et
les clichés du sectarisme. « Frustré », la frustration
se partage surtout quand des minorités manifestent leurs
différences, leur genre, tout en devenant des cibles faciles de
l’autoritarisme. Religions, Politique, principes raciaux,
xénophobies, mœurs, tout est prétexte pour attiser la nécessité
de diviser, prétendre en conséquence à un régime d’exception
afin de rétablir sécurité et normalité supposée.
La
montée d’un régime totalitaire, « L’État Brun », ne
semble pas alarmer Charlie et son ami coulant des jours en toute
quiétude d’un quotidien populaire et populiste. Les lois
d’exception prévues ne les effraient pas, au contraire, ils
trouvent qu’il est bon qu’un certain ordre replace le monde dans
ses réalités. Bientôt, la loi impacte leur quotidien car elle
interdit de posséder chiens et chats non bruns pour des raisons
sanitaires qu’une théorie scientifique élabore. Affecté, Charlie
doit se séparer de son chien, puis le chat de son ami disparait,
mais bon an, mal an, les deux amis acceptent et s’adaptent. Les
milices quadrillent la ville, empoisonnent à tour de bras tout
animal non brun « en moins de deux ». Le cœur serré, la
vie reprend ses droits, le quotidien augmente les petites lâchetés
du temps et l’on collabore sans atermoiement. Entre temps, les
livres de la bibliothèque qui mentionnent les mots chats et chiens
sans être précédés de « Brun » sont interdits. Plus
loin, le journal local « le Quotidien », alors en
faillite, est transformé en un organe de propagande «les Nouvelles
Brunes ». Le mot « Brun » est de toutes les
conversations, augmentant la suspicion entre les deux amis quand il
n’est pas prononcé par omission. Mais tout va bien, tout à chacun
respecte la règle de posséder des animaux bruns ; finalement,
« la sécurité brune a du bon ».Charlie et son ami
jubilent quand un décret impose l’arrestation de ceux qui, jadis
ont possédé un animal non brun ainsi que leur famille et leurs
amis. Défiance et délation s’organisent, chacun s’inquiète
pour lui-même, chacun doute de l’autre. Charlie est arrêté le
premier et disparait. Son ami, impuissant attend son heure comme
milliers d’autres en regrettant le temps où l’on aurait pu dire
non ou résister. Mais, comme le dénonce l’auteur, « il y a
le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent
les bras pour être un peu tranquilles, non ? ».
« Matin
Brun » exhume de l’histoire les milices en chemises brunes
des régimes totalitaires du 20ème
Siècle, Nazi et Fasciste. La nouvelle vogue jusqu’au aux rivages
de « la Banalité du Mal », théorie d’Hanna
Arendt, tandis que l’homme soumis est borné par un chauvinisme de
comptoir, influencé par la propagande d’idées toutes faites.
Abandonnant réflexion, pensée et conscience, il devient le complice
du pire. Editer pour la première fois en 1998, « Matin Brun »
atteint son apogée au lendemain d’un certain deuxième tour des
élections Présidentielles de 2002. Quelle leçon !
Yves
Toussaint
Une
nouvelle à lire « Matin Brun » de Franck Pavlov,
recommandée par l’Echolatain.
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