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mercredi 1 avril 2015
« L’éducation d’Alphonse »



Alphonse BOUDARD

Edition Grasset







L’après-guerre parisien, lieu de prédilection de l’auteur, met en exergue les retrouvailles de la population française avec les mœurs. 1946/47, l’existence se dégage de sa léthargie, claquemurée par cinq années d’occupation. Les parisiens tentent de se reconstruire une vie. « Alphonse » est l’un d’eux, errant le ventre vide, un bagage culturel maigre et le portefeuille affamé. La libération le laisse dans le besoin, conscient de se reconstruire, de trouver une situation répondant à ses envies de conquérir le monde et de manger à sa faim. Ce héros très discret laisse croître une existence baignée de mystère, entre « turbins » pénibles, petites entourloupes, opportunisme et coups de mains en tous genres dont les entreprises le plongent plus dans des moments « pestouillards » que dans l’opulence.



En proie au vague à l’âme, un petit boulot l’attend « Au Carillon des Siècles», une librairie fréquentée par des clients plutôt baroques mais cultivés. Une rencontre opportune avec le « Professeur » vient décloisonner Alphonse de son apathie populaire, bien décidé à satisfaire sa curiosité culturelle. Tout Alphonse qu’il est, monsieur s’émeut dans sa librairie découvrant les classiques comme les contemporains. De virées en virées, de chopines en chopines, l’enseignement littéraire et politique est assuré, par le Professeur. Cet enseignement, dont l’orthodoxie est peu commune, s’accompagne parfois d’une distribution de « bourres pifs » lorsque que le Professeur exalte son admiration pour Zola et la défense d’Alfred Dreyfus devant l’agressivité de quelques rebus du nationalisme d’avant-guerre.



Alphonse cultive à l’ombre du Professeur ses atouts discursifs, la compréhension et la critique du monde, l’amour de son prochain et surtout de sa prochaine.

Nostalgique, ironique, humoristique, libertin, l’auteur raconte ce voyage initiatique qui précéda la gloire d’un Paris qui s’urbanise.



Le licenciement d’Alphonse de la Librairie, vient contrarier ce rythme de vie doucereux dans l’écueil d’une petite affaire plutôt lucrative de fausse monnaie. Alphonse et ses complices se font « agrafer » par « la maison j’tarquepince ». L’un deux dégraine toute la responsabilité des entourloupes sur le jeune homme qui écope. Les responsables penseurs de toute l’arnaque disparaissent le laissant tomber aux fers pour deux ans. Loin d’être fatidique, ce voyage s’achève dans les relents de vengeances lorsqu’Alphonse Boudard retrouve, trente-cinq ans après, son complice donneur lors d’une émission littéraire pour la radio Suisse Romande. Mais le temps de réaliser, il est bien tard, le donneur est en fuite et Alphonse ravale son amertume pour trouver plus juste d’exulter en hommage au « Professeur ».



Prince de la langue verte et de la tournure argotique des romans noirs, Alphonse Boudard se dépeint à la fois comme « Jacques le Fataliste » de Diderot et Bardamu du « Voyage au Bout de la nuit » de Céline, ouvert aux festins de la vie et victime des traîtrises de l’existence. Yves Toussaint.



Un livre à lire, « L’éducation d’Alphonse » d’Alphonse Boudard, recommandé par l’Echolatain, aux éditions Grasset.










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