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mardi 25 décembre 2018
 Tous les hôtels sont fermés à Bethléem .

« Tous les hôtels sont fermés à Bethléem 
  Où dormira celle que j’aime
Un bœuf marche seul dans la rue
Quand il lève les yeux les étoiles remuent
Dans la direction de l’étable  
Tendent leurs cornes charitables
Le chemin monte encore  
Et toujours de travers
 Il n’y a pas de réverbère  
Mais la faible clarté du sang qui nous éclaire
Dieu-parent donnez-nous l’abri le lit de paille  
Ma femme sème ses entrailles
  Et nous sommes loin de chez nous
La porte s’ouvre d’un seul coup
  L’enfant glisse entre les genoux
Ô neige annonce la nouvelle
Aux amis aux bergers à celles  
Qui depuis si longtemps ont froid
 Jésus vient de naître les rois  
Vont se mirer dans ses prunelles
Le jour se lève
Et l’on entend
 L’ange qui court à travers champs ». 

 Douce étable de la terre.

« Douce étable de la terre
Pas plus grande qu’appentis
On y met pelles et pioches
On y rentre les brebis

Dans l’auberge haute et large
À l’enseigne des rieurs
On dispute on se goberge
De volailles et de liqueurs

Des draps blancs de quoi en somme
T’en payer toute la nuit
Tu rigoles mon bonhomme
Pourquoi pas poulet au riz

Le Joseph le malhabile
Sa casquette entre ses doigts
Donnez-nous ce soir asile
Ma femme ne va pas bien

Cependant la neige tombe
Et par l’huis entrebâillé
Des étoiles d’argent nimbent
Le front blanc de sa moitié

Pour la nuit ou bien pour l’heure
Nous n’avons place pour toi
Couchez-vous si ça vous chante
Dans l’étable qui est là

Et du doigt désignant l’ombre
Il referme à double tour
Le battant de son auberge
Et la porte de son cœur

Mais la nuit malgré les rires
On entend bien les clameurs
Nom de Dieu ! dit l’aubergiste
Y a le feu dans ma demeure

Il bouscule la servante
Et s’acharne sur la clef
Dans la nuit la neige bouge
Comme feuilles de lauriers

Rassuré il se rapproche
De l’étable des rôdeurs
Il voit double il se raccroche
Aux piquets de la clôture

Un enfant sur de la paille
Tout autour illuminé
Et les gens du voisinage
Debout près du monde entier ». 


 Les voici devant l’auberge.

« En évitant les grand-routes
Et les agglomérations
On se moque des gendarmes
Des menées de la nation

Et l’on injurie Hérode
Le vénal le malappris
Qui confond c’est bien commode
Les parias et les brebis

Mais on marche dans la neige
Et soudain l’on aperçoit
Un brin de fumée qui trempe
Dans le vase bleu d’un toit

On pourrait qu’en dis-tu femme
S’arrêter là cette nuit
Une fois n’est pas coutume
De dormir dans un bon lit

L’âne rit l’âne respecte
La parole du patron
Cependant Marie inspecte
D’un coup d’œil les environs

Les voici devant l’auberge
L’aubergiste a beaucoup bu
Il sent le rhum et l’absinthe
L’estomac les oignons crus

Quand ils furent dans l’étable
Que Joseph eut bien pleuré
À la plus grosse des poutres
Une étoile s’alluma

Et le ciel comme une terre
Qui longtemps a manqué d’eau
Aspira jusqu’à son centre
L’enfant-roi dans son maillot ». 



 
 

















René Guy Cadou, 1920-1951.  

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