« L’éducation
d’Alphonse »
Alphonse
BOUDARD
Edition
Grasset
L’après-guerre
parisien, lieu de prédilection de l’auteur, met en exergue les
retrouvailles de la population française avec les mœurs. 1946/47,
l’existence se dégage de sa léthargie, claquemurée par cinq
années d’occupation. Les parisiens tentent de se reconstruire une
vie. « Alphonse »
est l’un d’eux, errant le ventre vide, un bagage culturel maigre
et le portefeuille affamé. La
libération le laisse dans le besoin, conscient de se reconstruire,
de trouver une situation répondant à ses envies de conquérir le
monde et de manger à sa faim. Ce héros très discret laisse croître
une existence baignée de mystère, entre « turbins »
pénibles, petites entourloupes, opportunisme et coups de mains en
tous genres dont les entreprises le plongent plus dans des moments
« pestouillards » que dans l’opulence.
En
proie au vague à l’âme, un petit boulot l’attend « Au
Carillon des Siècles», une librairie fréquentée par des
clients plutôt baroques mais cultivés. Une rencontre opportune avec
le « Professeur » vient décloisonner Alphonse de
son apathie populaire, bien décidé à satisfaire sa curiosité
culturelle. Tout
Alphonse qu’il est, monsieur s’émeut dans sa librairie
découvrant les classiques comme les contemporains. De virées en
virées, de chopines en chopines, l’enseignement littéraire et
politique est assuré, par le Professeur. Cet enseignement, dont
l’orthodoxie est peu commune, s’accompagne parfois d’une
distribution de « bourres pifs » lorsque que le
Professeur exalte son admiration pour Zola et la défense d’Alfred
Dreyfus devant l’agressivité de quelques rebus du nationalisme
d’avant-guerre.
Alphonse
cultive à l’ombre du Professeur ses atouts discursifs, la
compréhension et la critique du monde, l’amour de son prochain et
surtout de sa prochaine.
Nostalgique,
ironique, humoristique, libertin, l’auteur raconte ce voyage
initiatique qui précéda la gloire d’un Paris qui s’urbanise.
Le
licenciement d’Alphonse de la Librairie, vient contrarier ce rythme
de vie doucereux dans l’écueil d’une petite affaire plutôt
lucrative de fausse monnaie. Alphonse et ses complices se font
« agrafer » par « la maison j’tarquepince ».
L’un deux dégraine toute la responsabilité des entourloupes sur
le jeune homme qui écope. Les responsables penseurs de toute
l’arnaque disparaissent le laissant tomber aux fers pour deux ans.
Loin d’être fatidique, ce voyage s’achève dans les relents de
vengeances lorsqu’Alphonse Boudard retrouve, trente-cinq ans après,
son complice donneur lors d’une émission littéraire pour la radio
Suisse Romande. Mais le temps de réaliser, il est bien tard, le
donneur est en fuite et Alphonse ravale son amertume pour trouver
plus juste d’exulter en hommage au « Professeur ».
Prince
de la langue verte et de la tournure argotique des romans noirs,
Alphonse Boudard se dépeint à la fois comme « Jacques le
Fataliste » de Diderot et Bardamu du « Voyage au Bout de
la nuit » de Céline, ouvert aux festins de la vie et victime
des traîtrises de l’existence. Yves Toussaint.
Un
livre à lire, « L’éducation d’Alphonse » d’Alphonse
Boudard, recommandé par l’Echolatain, aux éditions Grasset.
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