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vendredi 8 mai 2015
"L’Erreur de Calcul"

De Régis Debray

Edition du Cerf.




Tout débuta, un 27 août 2014, par la déclaration d’amour de Manuel Walls faite aux entrepreneurs. Invité à l’université d’été du MEDEF, le premier Ministre avoua sa nette inclinaison pour l'entrepreneuriat d’un « J’aime l’entreprise » éloquent. Une histoire d’amour assez prosélyte qui n’a pas manqué d’interpeller l’écrivain et philosophe Régis Debray signant, ici, un petit livre pamphlétaire. L’auteur met en exergue le besoin historique de galvaniser les peuples et de les rassembler autour de symboles. Le symbole est un objet réunissant nos valeurs dans l’espace commun afin de militer pour une société meilleure. Est-il bordé d’illusions ? Oui, nous dit Régis Debray réaliste, mais demeure un passage obligatoire pour que le commun augure d’un sentiment qui nous dépasse, nous enflamme, fait pour créer une impression vive qui nous entraine à agir ensemble.

La première illusion était religieuse, la seconde, politique, s’approche de la dernière « l’économique ». Chacune de ces illusions disparait au profit d’une autre jusqu’à celle qui conduit à notre quotidien « l’économique » ; là réside un hiatus pour l’auteur qui identifie une « erreur de calcul ». Il n’est pas l’ennemi du commerce, ni du rapport à l’économie quand elle ne devient pas un paradigme. Il situe le virage économique comme une incarnation sociétale à la chute du Mur de Berlin et à celle du régime soviétique. C’est, du reste, peut-être omettre un peu rapidement que le virage libéral fut pris, en France, par la gauche dès le début des années 80, bien avant la chute du Mur. Mais il scelle les diverses gouvernances européennes dans le parti quasi religieux de l’exaltation des marchés et de la concurrence, de la compétition et des délocalisations. Règne de l’argent, principe d’optimisation des dépenses et de maximalisation des résultats graissent les rouages du conservatisme, broient à coup de restructurations d’entreprises et favorisent le chauvinisme local et l’europhobie. Le positionnement de l’acquis culturel et artistique dans une culture au rabais se construit de clichés et de références néo-réactionnaires surtout, quand les éléments de langages ne sont plus que quantités, quotités, rentabilités, ratio et mutualisation de moyens.

Plus loin, l’auteur conduit son lecteur vers les valeurs politiques de notre société où les contraintes de la culture de masse fabriquent les rituels de la communication. Finalement, c’est un lecteur éconduit qui reçoit le coup de massue de la verticalité du système obturant la pluralité des genres, des pensées, des expressions, des avis, dans le conformisme facile qui aurait peur des risques de déviance.

La peur de l’autre, de ses origines, de ses idées horizontales, de son désir d’aménité et d’altérité, harponne la réalité redoutée par Régis Debray. Des opérations qui ratiocinent l’existence où, seule, la multiplication n’est pas convenue mais prime la division dans le concert de soixante millions de branchés sur internet. L’amour de l’entreprise dénude l’harmonie de l’universel qui, renversé sur le lit, abuse du réalisme économique et achève en statistique, en probabilité, pour bonifier l’organisation de notre vie tendant à obtenir un meilleur rendement avec un minimum de dépenses ; et ce, en flattant notre amour de l’engagement. Cette désillusion est un grand retournement - d’où l’erreur de calcul - qui assèche le goût d’organiser la cité et le substitue au marketing électoral, au communautarisme et au jeunisme libéral. Pour l’auteur, la politique consiste à lier la connaissance à la responsabilité, la maîtrise des idées à celles des réalités, le tout dans le prisme du partage et de la solidarité.

Yves Toussaint

Un livre à lire « L’erreur de calcul » de Régis Debray recommandé par l’Echolatain

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