En appuyant sur l'image.
En revenant sur mes messages, je m'aperçois que le hasard de mes glanages a placé côte à côte, ceux consacrés à Denise Legrix et Jean-François Mattei. Le hasard n'est pas bête!
« Qui s'approche d'elle avec
méfiance ne croit voir que des portes closes, des barrières et des guichets, une espèce de gendarmerie spirituelle. Mais notre Eglise est l’Église des
saints. Pour être un saint, quel évêque ne donnerait
son anneau, sa mitre, sa crosse, quel cardinal sa pourpre, quel pontife
sa robe blanche, ses camériers, ses suisses et tout
son temporel ? Qui ne voudrait avoir la force de courir cette
admirable aventure ?Car la sainteté est une aventure, c'est même la seule aventure. Qui l'a une fois compris est entré au cour de la foi catholique, a senti
tressaillir dans sa chair mortelle une autre terreur que celle de la mort, une espérance surhumaine. Notre Eglise est l’Église des saints. Mais qui se met en peine
des saints ? On voudrait qu'ils fussent des vieillards pleins
d'expérience et de politique, et la plupart sont des enfants. Or
l'enfance est seule contre tous. Les malins haussent les épaules,
sourient : quel saint eut beaucoup à se louer des gens d’Église ? Hé !
Que font ici les gens d'Eglise ! Pourquoi veut-on qu'ait
accès aux plus héroïques des hommes tel ou tel qui s'assure que le
royaume du ciel s'emporte comme un siège à l'Académie, en ménageant tout
le monde ? Dieu n'a pas fait l’Église pour la
prospérité des saints, mais pour qu'elle transmît leur mémoire, pour
que ne fût pas perdu, avec le divin miracle, un torrent d'honneur et de
poésie. Qu'une autre Eglise montre ses saints !
La nôtre est l’Église des saints. A qui
donneriez-vous à garder ce troupeau d'anges ? La seule histoire, avec sa
méthode sommaire, son réalisme étroit et dur, les eût brisés.
Notre tradition catholique les emporte, sans les blesser, dans son
rythme universel, saint Benoît avec son corbeau, saint François avec sa mandore et ses vers provençaux, Jeanne avec son épée, Vincent avec sa pauvre soutane, et
la dernière venue, si étrange, si secrète, suppliciée par les entrepreneurs et les simoniaques,avec son incompréhensible sourire, sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, souhaiterait-on qu'ils eussent tous été, de leur vivant, mis en châsse ?
assaillis d'épithètes ampoulées, salués à genoux, encensés ? De telles gentillesses sont bonnes pour les chanoines. Ils vécurent, ils souffrirent comme nous. Ils
furent tentés comme nous. Ils eurent leur pleine charge et plus d'un, sans la lâcher, se coucha dessous pour mourir.
Quiconque n'ose encore retenir de leur exemple la part sacrée, la part
divine, y trouvera du moins la leçon de l'héroïsme et de l'honneur.
Mais qui ne rougirait de s'arrêter si tôt, de les laisser poursuivre
seuls leur route immense ? Qui voudrait perdre sa vie à
ruminer le problème du mal plutôt que de se jeter en avant ? Qui refusera de libérer la terre ? Notre Église est l’Église des saints.
Tout ce grand appareil de sagesse, de force, de souple discipline, de
magnificence et de majesté n'est rien de lui-même, si la charité ne
l'anime. Mais la médiocrité n'y cherche qu'une assurance solide contre
les risques du divin. Qu'importe ! Le moindre petit
garçon de nos catéchismes sait que la bénédiction de tous les homme
d'Eglise ensemble n'apportera jamais la paix qu'aux âmes déjà prêtes à
la recevoir, aux âmes de bonne volonté. Aucun rite ne
dispense d'aimer. Notre Église est l’Église des saints. Nulle part ailleurs on ne voudrait imaginer seulement telle aventure, et si humaine, d'une petite héroïne qui passe un
jour tranquillement du bûcher de l'inquisiteur en Paradis, au nez de cent cinquante théologiens. « Si
nous sommes arrivés à ce point, écrivaient au pape les juges de Jeanne,
que les
devineresses vaticinant faussement au nom de Dieu, comme certaine
femelle prise dans les limites du diocèse de Beauvais, soient mieux
accueillies par la légèreté populaire que les pasteurs et les
docteurs, c'en est fait, la religion va périr, la foi s'écroule, l’Église est foulée aux pieds, l'iniquité de Satan dominera le monde
!...» et voilà qu'un peu moins de cinq cents ans plus
tard l'effigie de la devineresse est exposée à Saint-Pierre de Rome,
il est vrai peinte en guerrière, sans tabard ni robe fendue !, et à
cent pieds au-dessous d'elle, Jeanne aura pu voir un
minuscule homme blanc, prosterné, qui était le pape lui-même.