« D’UN CHATEAU
L’AUTRE »
Louis-Ferdinand CELINE
Editions Gallimard et Poche
« D’un
château l’autre », cœur d’une trilogie avec « Nord » et
« Rigodon », relate la fuite en 1944 de Céline, comme tant de
sympathisants ou collaborateurs du régime de l’occupant et celui du Maréchal
Pétain. Au lendemain du succès de son premier roman « Voyage au Bout de la
Nuit », Céline offrait une évolution sémantique du style conforté par l’expression
orale, l’écrit classique, les formules populaires.Il introduisait aussi une
structure inédite du roman, chroniqué en début et en fin, de forme éditoriale,
aiguisée et amère, quant au milieu court à une vitesse folle l’histoire
principale. Céline hâbleur, se permettait ainsi de régler ses comptes avec
tous ; les uns égratignaient son orgueil d’écrivain à succès et les autres
boudaient le docteur Destouche.
« D’un
Château l’Autre », écrit en 1957, ne déroge pas à la règle ; bien au
contraire l’auteur, plus aigri encore,se plaint de sa condition suite aux invectives
fomentées depuis son amnistie gagnée par le très habile Maitre Tixier-Vignancourt en
Avril 51. En cause, la compromission progressive de Céline avec l’antisémitisme
exhorté dans ses pamphlets et les complaisances avec le régime Pétainiste. Il
dodeline entre aigreurs et coups de gueule dont sa mauvaise foi se dissimule
par une formulation lapidaire mais truculente. Malgré ses digressions
convulsives, Il conte la vie absurde, hallucinante, des fuyards de Vichy à
Sigmaringen et au château des Hohenzollern. Céline, le souffreteux de Meudon, retrace
son arrivée à Sigmaringen au bout d’un voyage insensé dans une Allemagne en
flamme avec la complicité d’officiers allemands,déjà avouée dans
« Nord ».
Ici,
l’auteur fait jubiler son style, célèbre le ton fulgurant, métaphorique.Il joue
les rhéteurs àla formule bien faite, courte, claque sans crier gare et
constitue le seul élément littéraire pour raconter une histoire. Une histoire
au demeurant tragique, ensanglantée, assourdissante de bombes, de menaces pour
le genre humain, qui se transforme en une ode indicible, absurde, insensée,
extravagante, clairsemée de drôleries épiques dont les faits dépassent tellement
l’entendement qu’ils ne représentent aucun sens pour un esprit raisonnable.
C’est précisément là où Céline parle au lecteur lorsque la vie est décrite par
le prisme de l’absurde.
A
Sigmaringen, Céline conte, chronique des tableaux hallucinants de la vie
quotidienne des ministres de Pétain, la survie des réfugiés français au cœur de
l’épopée de Lili (femme de Céline), La Vigue (l’acteur Robert le Vigan) et de lui-même. Au milieu des petites combines,
toute cette faune étrange est aux abois sur le vaisseau fantôme d’une belle
débâcle. Céline nous gratifie de toutes les exactions, de
toutes les horreurs, de tous les chaos que la guerre laissa en pâture, mais
bizarrement et non sans quelques gênes, le lecteur est fasciné, hypnotisé dans
« son métro émotif ». Sa sémantique unique et l’art de la formule
détonne ; on rit même, dans un environnement ruiné, léché par les flammes
de toutes les couleurs d’où converge une poésie surréaliste. Yves Toussaint.
Un
livre donc, à lire ou à relire «D’un Château l’Autre» de Louis-Ferdinand Céline,
recommandé par l’Echolatain.
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